Vers un (auto)-portrait en temps de crise: 1) Chris Marker.


L'actualité nous pousse dans nos retranchements ! Mais nous sommes plus forts que l'adversité ! On est des lapins ou quoi ?
Donc, puisque tout tournage en extérieur est impossible, on va faire avec.
Regardons les choses en face : les films qui avaient pris du retard et/ou l'équipe n'est pas totalement investie et prête aux nuits blanches pour rattraper le temps perdu et/ou qui avaient déjà des tas de bâtons dans les roues sont mal partis. Nous verrons en fonction du temps de confinement si on les reprend ou non.
En attendant, on pratique !

  • –  d'une part parce qu'il ne faut pas perdre la main
  • –  d'autre part parce que l'art est encore ce qui permet le mieux de vivre les situations difficiles
    et de leur donner sens
–  et enfin (et plus pragmatiquement) parce que vous serez sûrs ainsi d'avoir un film à présenter
en fin d'année.
Je vous propose donc le sujet suivant :


(auto)portrait en temps de crise.

Le principe est simple. Soit vous le combinez avec le concours www.leprojetmoteur.org et vous
faites le portrait de quelqu'un que vous admirez et avec qui vous êtes confiné. Concrètement, ça présuppose que vous admiriez vos parents ou votre petit frère. Je sais, c'est rare.

Donc, dans ce cas, vous faites le portrait de la seule personne admirable que vous avez sous la main : vous.

Et ça tombe bien, parce que ça va vous permettre d'aller chercher de l'inspiration auprès d'un maître es-modernité, non pas issu du « masculin singulier » de la nouvelle vague, mais, tout près, de notre fameuse rive droite : Chris Marker.

Si vous aimez les cours bien ordonnés avec des tas de jolis titres comme votre prof préférée vous y a habitués, vous pouvez noter dans votre cahier, après le néo-réalisme ; 2) un cinéaste en prise avec la modernité : l'exemple de Chris Marker.


1) Regardez tout d'abord L'Ambassadehttps://www.youtube.com/watch?v=mBrUt3NajYo, ça vous donnera peut-être des idées sur ce qu'on peut faire avec les moyens du bord en état de confinement.
Je vous laisse voir les tas de choses passionnantes qu'on peut dire sur ce film qui déconstruit tout, la frontière entre réel et fiction, entre passé et présent, entre science-fiction et politique.
Ce que nous pouvons en retenir, en ce qui nous concerne, c'est

– que ce qu'on croit être une crise qui ne concerne que les autres, les pays en voie de développement, pourrait très bien nous arriver (ici, Chris Marker semble traiter de ce qui se passe au même moment au Chili, où a lieu un coup d'Etat. En fait, la dernière image nous indique 1) qu'on est à Paris, 2) que ce qu'on croyait un documentaire est en fait une fiction, 3) qu'il y a donc une frontière très ténue entre documentaire et fiction, entre réel et imagination, entre ce qui n'arrive qu'aux autres et ce qui peut nous arriver.
– Que le film a été tourné avec l'équivalent d'un téléphone portable de l'époque, c'est à dire une petite caméra pourrie sans son. Chris Marker a réuni ses potes, les a filmé parler de tout et de rien, et a ajouté le son extradiégétique pour en faire du documentaire une fiction. Bon, vous ne pouvez pas inviter vos potes, d'accord... mais vous pouvez réunir votre chat et votre cochon d'inde (faites attention quand même).

De façon générale, Chris Marker est spécialiste du cinéma à la première personne, que vous allez devoir découvrir, du montage d'archives, qui va vous aider à élargir votre pool d'images, et du regard décalé, qui vous aidera à ne pas céder à la voix générale.


2) Regardez La Jetée, et sa science-fiction créée à partir d'un bout de polystyrène. https://vimeo.com/292249695

Je crois que certains d'entre vous l'ont déjà vu. Mais c'est toujours bon à prendre, surtout quand on se sent soi-même au fond d'une cave à repenser aux visages de temps de paix...
la question de la crise y est traitée à partir d'un point de vue interne, et la forme peut vous inspirer


–  non seulement parce qu'elle est très simple à reproduire avec les moyens du bord
–  mais aussi parce que malgré cette simplicité il a su trouver une écriture propre, qui mette en

  • lien la forme et le fond (cet homme dont la vie intime est figée sur une image d'enfance ne
  • peut vivre qu'à travers des images figées)

–  et surtout parce que les deux régimes d'images le passé lumineux, foisonnant / le présent
contrasté, sombre, peuvent être reproduits chez vous par l'opposition entre les images de votre confinement et les images d'archives personnelles ou sur internet.


3) Si vous avez encore du temps, regardez Sans Soleilet sa poésie nostalgique, Level Five, où un monde entier sort du calfeutrement d'une chambre. Et vous serez déjà paré pour l'aventure.
Je ne saurais que trop vous conseiller de regarder Sans Soleil en entier : https://vimeo.com/328606733c'est le meilleur des exemples pour trouver une voix-je au cinéma, pour donner vie aux images d'archives, pour prendre acte de ce qu'est la modernité radicale : cinéma personnel, sans prix, sans équipe, sans studio, et donc fondamentalement libre. Cinéma intime, profondément centré sur le JE, et à ce titre totalement et complètement universel. Cinéma ouvert à toutes les cultures, toutes les voix, dans une complicité totale avec le spectateur parce que profondément à l'écoute. Un vrai cinéma de la modernité rive droite, quoi;-).
Il n'y a qu'à voir l'usage qui y est fait du regard caméra : vous vous souvenez, ce signe distinctif d'une nouvelle vague qui refuse le quatrième mur ? (allez lire ici pour vous rafraîchir la mémoire :
https://www.cineclubdecaen.com/analyse/regardcameraaucinema.htm)
et si vous voulez en savoir plus sur ce petit film mineur que j'ai l'audace de vous présenter;-) https://www.cnc.fr/cinema/etudes-et-rapports/dossiers-pedagogiques/sans-soleil-de-chris- marker_223099


Merci le confinement ! J'avais prévu de parler des jeunes loups des cahiers et j'ai obliqué vers le chat Chris Marker ! Faites en bon usage, commencez à collecter des images, des idées pour votre (auto)portrait... on continue mercredi !

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